Les conflits collectifs
1. Le droit de grève
Définition
Les caractéristiques
2. Les
effets de la grève sur les salariés
La
grève et le contrat de travail
La grève et
le salaire
3. L’employeur et la grève
L'exécution du travail
Le piquet de
grève
4. Les ripostes patronales à
la grève
La responsabilité des syndicats
La réorganisation de l’entreprise
Le
lock-out
5. Le règlement des conflits collectifs
La conciliation
La médiation
L’arbitrage
Pour aller plus loin…
Quelques liens
La grève et le lock
out sont les deux formes de conflit collectif du travail. La grève est
une cessation collective et concertée du travail à l’initiative
des salariés. Le lock-out est une mesure temporaire de fermeture de l'entreprise
décidée par l'employeur en raison d'une grève ou d'une menace
de grève.
1. Le droit de grève
Définition
La
grève est une cessation collective et concertée du travail pour
des motifs professionnels, afin d’exercer une pression sur l’employeur. Ainsi
la grève perlée qui est une réduction volontaire de la productivité
n’est pas considérée comme une grève car la cessation de
travail n’est pas totale. Toutes les autres formes de grève (tournante,
surprise, débrayage occasionnel...) sont licites.
Les
caractéristiques
Elles sont au nombre de trois :
-
la cessation collective : le droit de grève peut être exercé
par une minorité de salariés. L'aspect collectif de la grève
s'apprécie en fonction du nombre de salarié. Il a été
jugé que la cessation du travail d'une seule personne ne pouvait être
assimilée à un cas de grève sauf si cette personne suivait
un mot d'ordre national ;
- la concertation : elle se déduit en principe
de la reconnaissance du caractère collectif ;
- les motifs professionnels
: les tribunaux ont toujours interprétés largement la définition
des revendications professionnelles des salariés. Sont considérées
comme licites toutes celles qui portent sur la rémunération, les
conditions de travail, l'exercice du droit syndical, la crainte de licenciement…
Par contre les grèves de solidarité déclenchées pour
défendre les intérêts professionnels d'autrui ou les grèves
de protestation destinées à obtenir le retrait d'une sanction contre
un travailleur ne sont licites qu’à condition d’intéresser la collectivité
de travail. Mais l'existence de revendications à caractères professionnels
ne suffit pas en elle-même à justifier la grève : il faut
en outre que l'employeur soit tenu au courant des revendications et qu'il ait
les moyens éventuels de les satisfaire.
Une
grève illicite ou un abus de droit de grève peuvent justifier un
licenciement pour faute lourde. Elle permette également à l'employeur
de pratiquer le lock-out c'est à dire la fermeture complète de son
entreprise. Celui-ci est admis en raison du principe de l'exception d'inexécution
et par le fait d'une grève illicite a davantage pour objet de porter atteinte
à l'employeur que de défendre des intérêts professionnels.
L'exercice du droit de grève par les salariés soulève
deux questions importantes : celle de ses effets sur le contrat de travail et
donc sur leur emploi ; celle de ses effets sur la rémunération.
La grève et le contrat de travail
Pendant
la durée de la grève, le contrat de travail des salariés
grévistes est suspendu. Chaque partie se trouve donc momentanément
dispensée d'exécuter ses obligations : le salarié ne fournit
plus sa prestation de travail et l'employeur ne verse plus la rémunération
correspondante.
La suspension du contrat de travail permet aux employée
de conserver leur ancienneté sans qu'il puisse y avoir une conséquence
quelconque sur leur contrat de travail (mutation, rétrogradation, modifications
du contrat de travail...). Elle ne suspend par les mandats des représentants
du personnel ceux ci pouvant avoir une action utile dans la négociation
mais provoque la suspension du lien de subordination entre employeur et salarié.
De ce fait le salarié victime d'un accident pendant une grève ne
pourra profiter du régime avantageux accordé aux accidents du travail.
La grève ne peut être un motif de licenciement, à moins qu'il
ne soit justifié par une faute lourde. Dans le cas contraire et si la grève
est licite, l'employeur prononce un licenciement illégal dont la sanction
est la nullité. Le salarié réintègre donc automatiquement
l'entreprise. C'est à l'employeur de prouver que son licenciement a une
autre cause que la grève. La faute lourde peut être une de ces causes
même s'il s'agit d'un salarié protégé. Constituent
des fautes lourdes l'entrave à la liberté du travail, les violences
physiques, la rétention de véhicules ou de documents, l'obstacle
à l'entrée dans l'établissement.
La
grève et le salaire
La grève a pour conséquence directe
le non versement du salaire pendant la période d'arrêt de travail
; c'est l'effet synallagmatique du contrat de travail. La retenue sur salaire
s'applique donc que la grève soit licite ou non. Cependant si la grève
est irrégulière la retenue peut être plus élevée
car l'employeur est en droit de la calculer en fonction de la perte subie par
son entreprise et non pas uniquement en proportion du temps de travail perdu.
La règle est différente pour les salariés non grévistes
qui n'ont pas pu accomplir le travail normal. Si ceux-ci ont tout fait pour rester
à la disposition de l'employeur (et même si celui-ci a été
empêché de leur fournir du travail) le salaire reste dû.
La
suppression du salaire n'entraîne pas la suppression des droits à
la Sécurité sociale. Le salarié gréviste continue
à percevoir ses allocations familiales mais il ne peut prétendre
au paiement des allocations de chômage partiel.

3.
L’employeur et la grève
L'exécution
du travail
L'ouverture de l'entreprise même en cas de grève
doit être assurée non seulement face aux salariés non grévistes
mais également face aux clients et aux fournisseurs. L'employeur doit ainsi
garantir la liberté du travail ; pour cela il peut être amené
à s'opposer à l'occupation des locaux ou aux piquets de grève.
L'occupation des lieux de travail est une des formes renforcées de la grève.
Le cas le plus courant de cette forme de protestation est celui de la grève
avec occupation. L'occupation des locaux de travail rendant impossible le travail
des non grévistes peut être interprétée à la
fois comme une atteinte au droit de propriété de l'employeur ou
comme une atteinte à la liberté du travail. Il s'agit donc d'une
voie de fait dont la cessation ne peut être prononcée que par un
juge des référés ; celui-ci peut décider d'une expulsion
Le
piquet de grève
Un piquet de grève est un rassemblement d'ouvriers
grévistes qui peut se tenir à l'intérieur ou à l'extérieur
de l'entreprise. Tenu à l'intérieur de l'entreprise le piquet de
grève est assimilé à une occupation des locaux. Tenu à
l'extérieur il n'est pas illicite en lui-même. Il le devient cependant
lorsque le piquet de grève a pour objet d'empêcher les non grévistes
d'accéder à leur poste de travail ou même plus simplement
de les intimider par des menaces ou des insultes. Au plan pénal une telle
attitude peut être sanctionnée car elle constitue une atteinte à
la liberté du travail ; au plan civil il s'agit d'une faute lourde autorisant
l'employeur à recourir à un jugement de référé
et à demander l'aide de la force publique.

4.
Les ripostes patronales à la grève
La
responsabilité des syndicats
L'employeur peut tenter de mettre en
cause la responsabilité des syndicats pour le déclenchement de la
grève. Cette mise en cause est toujours extrêmement délicate
et ceci pour deux raisons :
- la grève est un droit individuel
du travailleur qu'il exerce collectivement mais pour lequel le droit ne confie
aucune responsabilité au syndicat ;
- la grève étant
un droit fondamental du travailleur et donc un acte licite, elle ne saurait engager
aucune responsabilité.
La responsabilité du syndicat ne peut
être engagée que lorsque celui-ci a formellement incité les
travailleurs à recourir à une forme de grève illicite. Cette
responsabilité est progressivement passée de contractuelle à
délictuelle. L'employeur doit prouver la faute de l'organisation syndicale.
Cette faute ne peut résulter du seul déclenchement de la grève
lorsque la grève est licite ni de la participation à son organisation.
Elle résulte "d'agissements fautifs constitutifs d'infractions pénales
ou de faits insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du droit
de grève".
La réorganisation
de l’entreprise
L'employeur peut, en se basant sur le principe de la liberté
du travail, organiser le travail des non grévistes. En principe la grève
n'influence pas le travail des personnes qui ne participent pas à l'action.
Dans certains cas la grève peut cependant constituer un cas de force majeure
pour l'employeur le déliant de son obligation d'assurer le travail et donc
de verser des rémunérations. C'est le cas de la grève avec
occupation des locaux.
Dans le cas de certaines entreprises ou les tiers
auraient à souffrir d'une interruption du travail (clinique privée,
garderie d'enfants...) l'employeur peut être amené à assurer
un service minimum. Dans ce cas l'employeur peut exiger la présence d'un
certain nombre de travailleurs qui seront rémunérés. Ces
salariés doivent être strictement limités aux seules personnes
indispensables. Le choix de ces personnes peut être fait en accord avec
les syndicats ou peut relever du pouvoir de direction du chef d'entreprise. Le
refus pour un salarié de se plier aux exigences d'un service minimum est
une faute pouvant justifier un licenciement.
L'embauche de personnel de
remplacement est sévèrement limitée par la loi. En effet,
il ne peut revêtir que deux formes considérées comme licites
par les tribunaux :
- la sous-traitance ou le prêt de personnel
de la part d’une autre entreprise ;
- l'embauche sous forme de contrat à
durée indéterminée.
Sont par contre strictement
interdit les recours à un contrat de travail à durée déterminée
ou à un contrat de travail temporaire. Le texte ne vise cependant que le
remplacement du personnel gréviste. Il semble donc, sauf à invoquer
la fraude à la loi, que l'employeur pourrait muter un non gréviste
sur le poste occupé par un gréviste et remplacer le non gréviste
sur son poste. Le lock-out
Le lock-out
est la fermeture de l'entreprise par l'employeur à l'occasion d'un conflit
du travail. L'intégralité des salariés n'a donc plus accès
aux locaux de travail et n'est plus rémunérée. L'objectif
du lock- out peut être double : mettre fin à un fonctionnement de
l'entreprise qui est gravement perturbé par la grève et tenter de
faire pression sur les grévistes.
Le lock-out est en principe une
action irrégulière car elle est une suspension unilatérale
des contrats de travail et donc une faute contractuelle. La rémunération
doit donc être payée au personnel. Ce point de vue strict est toutefois
atténuer dans certaines circonstances particulière mais sans pour
autant que la jurisprudence en ait affirmé la licéité. Trois
cas sont tolérés :
- l'impossibilité absolue d'assurer
le fonctionnement de l'entreprise pour raison de force majeure ;
- l'impossibilité
de maintenir l'ordre et la sécurité : cette mesure procède
"des pouvoirs normaux et même des devoirs d'un employeur soucieux d'assurer
un minimum de sécurité et d'ordre dans son entreprise à un
moment où ceux ci risquaient d'être tout à fait compromis
par les conditions désordonnées et insolites dans lesquelles le
personnel accomplissait son travail et exerçait son droit de grève".
L'employeur a donc le droit de fermer son entreprise lorsqu'il craint des dégradations
de matériel ;
- l'exception d'inexécution : l'employeur peut
recourir au lock-out en cas de grève illicite c'est à dire lorsque
les grévistes ont des revendications illégitimes ou utilisent des
modes d'action prohibés.
Dans les trois cas les salaires ne
sont pas dus même si les non grévistes ont manifestés leur
intention de travailler.

5.
Le règlement des conflits collectifs
Les conflits collectifs s'achèvent
en principe par la signature d'un protocole d'accord entre l'employeur et les
grévistes. Il peut être obtenu par les voies de la conciliation,
de la médiation ou de l’arbitrage.
La
conciliation
Facultative, la procédure de conciliation a pour objet
de rapprocher les points de vue antagonistes des parties au conflit. L'employeur
et les salariés grévistes essaient de rapprocher leurs points de
vue grâce à un tiers, le conciliateur. Ce tiers peut être librement
choisi par les parties ou prévu par les conventions collectives. Le président
de la commission de conciliation invite les représentants des parties à
une succession de réunions. A l'issue de ces réunions il est établi
un procès verbal qui constate l'accord ou le désaccord sur la fin
du conflit. En cas d'échec de la conciliation le conflit peut être
soumis à la procédure de médiation ou à la procédure
d'arbitrage.
La médiation
La procédure de médiation est engagée à la suite d'un
échec de la conciliation ou directement si les parties en font la demande.
Elle peut être engagée par le Président de la commission de
conciliation ou par le Ministre du travail.
Le médiateur est
une personnalité qualifiée, désignée en fonction de
son autorité morale ou de ses compétences (professeur de droit,
expert en droit social...) librement choisi par les parties ou, à défaut,
par l'autorité administrative sur des listes nationales ou régionales.
Le médiateur est chargé de consulter les représentants des
parties et de recueillir leurs demandes. Celles ci lui remettent un mémoire.
Il peut également rechercher lui même toutes les informations nécessaires
au règlement du conflit. Après un travail d'analyse, le médiateur
convoque ensuite les parties dans le but de se mettre d'accord sur une solution.
Si un accord se dessine le médiateur émet, dans un délai
d'un mois, une "recommandation". Cette recommandation peut ensuite être
acceptée ou refusée par les parties dans un délai de huit
jours. En cas d'acceptation elle devient immédiatement applicable et à
la même force obligatoire qu'un accord collectif. En cas de refus, l'administration
rend publique la recommandation du médiateur ainsi que les positions des
parties. La solution du conflit ne peut plus que passer par l'arbitrage.
L'arbitrage
L'arbitrage est une solution aux conflits collectifs décidée par
un tiers. C'est une procédure peu utilisée car la décision
de l'arbitre lie les parties qui se sont engagées à l'avance de
l'accepter.
L’arbitre est un tiers librement choisi par les parties qui
va prendre en charge la solution du conflit. Après avoir entendu les parties
au conflit, il rend une sentence arbitrale. Celle ci s'impose aux parties mais
sans que cette obligation ou plutôt son manquement, puisse être sanctionnée.
Elle est cependant susceptible d'un recours contre la Cour supérieure d'arbitrage
composée de conseillers d'Etat et de hauts magistrats.

Pour
aller plus loin…
http://www.travail.gouv.fr/infos_pratiques/asp/details_pratiques.asp?
Niveau1=1&Niveau2=16&Niveau3=62&Idfiche=270 : toutes les informations
juridiques sur le droit de grève.
http://www.lemoneymag.fr/Kalideo/Site/Application/
Dossier/s_Dossier/0,1676,1-2754-0-6630-0-0-DOS,00.html : un dossier complet
et pratique sur la grève.